Je retrouve enfin mon lit et ma machine à expresso après deux semaines de vagabondage sur les routes de France et de Navarre (3700 km parcourus ces quinze derniers jours...) : il est vrai que si la belle saison des concerts et des festivals est stimulante, force est d'avouer que c'est extrêmement dur physiquement.
Tour de France oblige, le sujet du dopage rôdait autour de la table jeudi soir après le concert à Lalouvesc (dont je vous donnerai des photos très bientôt). Et particulièrement au sujet des musiciens : y a-t-il du dopage chez les musiciens classiques?
La question n'est pas anodine, et sitôt le sujet lancé chacun avait son mot à dire: nous avons tous nos substances, licites ou illicites, pour nous faire tenir le coup. Mais à partir de quel moment peut-on parler de dopage? Petit inventaire d'un sujet politiquement incorrect.
Personnellement, j'use et j'abuse de la vitamine C, un grand classique, et pas un matin sans la multivitamine la plus complète possible, qui compense une alimentation trop aléatoire. Je dors beaucoup, enfin quand je ne finis pas de jouer à 2h du matin, j'essaie de manger des produits frais, bio et le plus souvent cru. Jusqu'ici ce n'est pas réellement du dopage, me direz-vous! Du côté des chanteurs, ils ont toujours sur eux soit des gouttes de Fleurs du Dr Bach, soit des préparations de phytothérapie (échinacée, mélaleuca...). Mais j'ai aussi entendu parler de chanteurs qui utilisaient de l'éther pour s'éclaircir la voix (avec des conséquences irréversibles à la longue, évidemment), mais cette pratique est rare.
En revanche les chanteurs ont presque toujours sur eux de la cortisone, qui permet d'enchaîner les répétitions et les concerts à un rythme que le corps refuserait normalement. Les violonistes et autres instrumentistes sujets aux tendinites n'hésitent pas eux aussi à recourir à la cortisone, avec la complicité d'un médecin bienveillant, pour endormir la douleur d'un bras ou d'une articulation qui a trop travaillé avant un concert important. J'avoue qu'il m'est déjà arrivé de chanter avec une bronchite sévère et 40 degrés de fièvre, pour un festival de cinéma à Husum en Allemagne : mon médecin m'avait prescrit un traitement de cheval afin de pouvoir assurer quand même ma prestation. J'ai bel et bien assuré, mais j'étais carrément dans un état second! Je n'aime pas prendre des médicaments très forts, mais que faire quand on a un concert important à assumer?
Si parfois on combat le trac avec des granules homéopathiques (Argentum nitricum, Gelsenium...) ou un apport de magnésium, d'autres se penchent sur la bouteille, c'est bien connu... On m'a dit que chez les instrumentistes à vent, on se sert énormément de bêta-bloquants afin que le stress ne vienne pas rendre le souffle court, que ce soit pour des concerts importants, des auditions ou des concours. Tout cela s'obtient relativement facilement sur ordonnance. Et puis il y a des musiciens qui ont recours à la cocaïne (c'est plus courant qu'on ne le croit dans notre métier, comme dans la plupart des métiers à stress), voire à l'héroïne. Pour certains danseurs classiques, comme pour beaucoup de mannequins d'ailleurs, ce sont souvent les amphétamines qui agissent comme coupe-faim et permettent de garder la silhouette (quelle société de dingues quand même), en plus bien sûr de la cigarette.
Dans tous les métiers finalement il y a des problèmes de dopage, et les entreprises elles non plus n'y échappent pas. Le métier de musicien n'est certainement pas plus facile qu'un autre, il est même probablement plus difficile, et il est très proche du métier de sportif professionnel : la part de stress, la préparation, la compétition (il faut bien le dire), l'exigeance, la discipline. On me demande souvent "Où puisez-vous toute cette énergie?..." ; hormis mon entraînement purement musical, et tout le côté platement administratif de mon métier, je m'entraîne entre 5 à 8h par semaine dans une salle de sports : j'ai beau rien que remuer mes petits doigts sur un clavier, il faut être sacrément en forme pour exercer le métier de musicien !
N'allez pas croire que nous sommes tous des dopés, j'aborde ce sujet délicat sur mon blog uniquement pour susciter la réflexion et les commentaires des blogueurs : jusqu'où peut-on aller?
De la simple vitamine C aux drogues dures, il n'y a finalement à mon avis que deux substances, rien que deux, qui dopent vraiment et véritablement les musiciens, et qui nous propulsent sans cesse vers l'avant : c'est l'adrénaline, avant de monter sur scène, et la dopamine, sous les applaudissements du public. Rien que pour ça, on irait au bout du monde.