Claude Nadeau, musique classique - clavecin, orgue... musique baroque

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche



mercredi 31 octobre 2007

Joyeuse Halloween!

On la dit à tort importée des États-Unis, et pourtant la fête d'Halloween est tout ce qu'il y a de plus européenne, plongeant ses racines dans les traditions celtiques pré-chrétiennes.

Quand j'étais petite, Halloween c'était la grande fête, les déguisements (un peu comme mardi gras en France) amoureusement cousus par la maman et pas nécessairement sur la thématique de la peur (mon déguisement préféré était celui d'un lapin, avec un bonnet sur la tête et deux grandes oreilles qui tenaient bien droit!), et surtout les bonbons qu'on nous donnait de porte en porte si nous étions assez courageux pour aller montrer nos beaux déguisements à tout le voisinage! Et c'étaient des ribambelles d'enfants qui couraient les rues, en clowns, en animaux, en épouvantails de toute sorte, pour avoir qui des caramels, qui des bonbons durs, qui des bonbons complètement chimiques avec des tonnes de colorant artificiel dont nous raffolions tous.

Dans la tradition celte, la fête de Samhain, ou Samonios, est l'une des huit fêtes importantes (avec les solstices, etc) qui marquent l'année, et on dit que c'est en ce jour que "se déchire le grand voile entre les deux mondes". Ce n'est donc pas un hasard si Halloween, ou "all hollow's eve" ("la veille de la fête des âmes"), se tient la veille de la Toussaint: c'est le moment de se remémorer les disparus, et il n'y a pas si longtemps on mettait un couvert en plus à table ce soir-là, on gardait la porte de la maison ouverte, bref on faisait symboliquement une place pour les personnes passées dans l'autre monde.

Mais prenez garde à l'Ankou, qui armé de sa faux rit sous sa grande cape noire : si vous avez le malheur d'entendre le grincement des roues de sa charette, qui emporte les âmes, ces roues qui bruissent en faisant "wig a wak, wig a wak", méfiez-vous ! car si vous les entendez, alors c'est vous qui partirez dans l'année...

J'ai eu beaucoup de mal à trouver une citrouille cette année (photo : ma citrouille à la fenêtre), mais finalement c'est chose faite et je me suis fait un devoir de la découper et la mettre à la fenêtre avec un lumignon, comme un signal d'hospitalité. Hélas en France, pas de petits diablotins ni de petits lapins qui courent les rues à la recherche de bonbons... et la citrouille va certainement terminer en pot-au-feu!

Quelques recettes: Biscuits à la citrouille et ici toute une collection de recettes avec le cucurbitacé orange. Les graines de citrouille, bien nettoyées et rôties au four à feu doux, accompagneront l'apéritif. Une mention spéciale pour la recette de "Sauté de veau d'Halloween" d'Yves Camdeborde, publié dans un livre génial, "Restez à table avec vos amis", 100 recettes à préparer d'avance pour profiter de la soirée avec vos invités (visibles ou invisibles), un livre auquel participe également mon ami le chef Therry Breton, dont je vous recommande le restaurant "Chez Michel".

Quelques suggestions d'écoute en cette soirée d'Halloween : la Toccate et fugue en ré mineur de J.S. Bach ; la Toccate extraite de la Suite Gothique de Boëlmann ; la Fantaisie pour orgue en fa mineur de Mozart ; bien sûr la Danse macabre de Saint-Saëns ; la Symphonie fantastique de Berlioz ; le Concerto pour orgue et timbales de Poulenc ; O fortuna, le 1er mouvement des Carmina Burana de Carl Orff ; et tant d'autres choses encore... des suggestions?

jeudi 11 octobre 2007

Marcescence

Les fleurs qui trônaient sur ma table ont terminé leur spectacle : elle se courbent pour saluer.

Sous vos applaudissements, messieurs et mesdames, les gerbera viridifolia du Léon : eh oui, même les fleurs sont bretonnes chez-moi, et celles-ci ont tenu le haut de l'affiche durant presque deux semaines.

Clap - clap - clap -clap - clap -clap pour elles.

Rideau.

Je reçois un coup de fil étonnant ce soir, de la part de l'épouse d'un ami claveciniste qu'on vient d'hospitaliser pour une pneumonie. Bon, rien de grave, mais il ne pourra pas assurer son concert dimanche de clavecin solo, et on me propose l'opportunité de le remplacer, et puisque le public va venir, de faire moi-même un concert de clavecin solo, ce dimanche, à Paris.

Grave décision : je suis actuellement dans une phase mijotante, je fais un travail très intérieur et toute à la préparation de mes nouveaux projets, je n'ai rien de cuit, rien de prêt à manger pour dimanche prochain.

Que faire? Accepter tout de même et ressortir les valeurs sûres qui font partie de mon répertoire, ou décliner et rester dans ma caverne?

Qu'en pensent les visiteurs de ce blog?

PS: la signification do mot "marcescence" se trouve dans ce billet

mardi 9 octobre 2007

Éloge des clavecins mûrs

J'ai eu l'extrême privilège aujourd'hui de jouer un authentique clavecin d'époque. C'est la première fois que j'entre en contact direct et intime avec un instrument du XVIIIe siècle. Sa restauration est presque complétée, et il est jouable à nouveau depuis une semaine à peine.

Les photos sont mauvaises, je les ai prises avec mon téléphone portable...

Qu'est-ce que ça fait de jouer un clavecin ancien? D'abord c'est une grande émotion, car la sensation physique sous les doigts n'est pas du tout la même : les plectres en plume de corbeau, taillés un à un dans une partie spécifique d'une vraie plume (et toutes ne sont pas bonnes pour cet usage), donnent une impression étonnante, et un son croustillant, "comme des biscuits" pour reprendre l'expression de l'artisan qui a taillé les plectres et qui m'expliquait le tout. Il m'a fallu une bonne heure pour m'habituer à cette sensation de contact "biologique" avec la corde (le plectre est la languette -généralement en plastique- qui pince la corde du clavecin, comme le médiator d'une guitare).

Et puis le son n'est pas du tout le même, c'est un peu comme si l'on comparait un bon Côtes-du-Rhône récent à un vieux Bourgogne : il y a un velouté, un arrondi, une patine, une profondeur que seul le temps a pu laisser. Ce clavecin qu'on m'a laissée jouer pendant plus de trois heures (!) a un son très perlé, assez proche finalement du virginal ou du muselaar, et des harmoniques dans lesquelles on entend beaucoup de fondamentale. Pour dire les choses autrement, il n'a pas de puissance sonore particulière, mais la note elle-même a une très longue résonance, avec une brillance nacrée dans les aigus et des basses très profondes. Quand on déroule les notes, on a l'impression d'entendre une rivière de perles... C'est en outre la première fois que je vois un clavecin qui descende jusqu'au mi grave! (d'habitude le maximum c'est fa)

Il m'a fallu un bon moment avant de m'habituer à cet instrument, si loin de mes repères habituels. J'ai eu beaucoup de chance de pouvoir le jouer aussi longtemps : il n'est pas encore officiellement inauguré, et après son concert de "re-naissance", il entrera dans un musée. Dans la pièce à hygrométrie et à température contrôlées où il était, j'ai dû mettre mon châle pour ne pas frissonner. Mais était-ce seulement dû à la température?...

Depuis 1776, combien de clavecinistes se sont succédés sur cet instrument? Il a dû en entendre, des histoires. Les beaux instruments anciens me font rêver pour cela aussi. Mozart était vivant lorsque ce clavecin a été construit, il était même en France. Ce clavecin était-il un instrument destiné au continuo, pour la musique de chambre ou d'orchestre, ou pour du répertoire de soliste? S'agissait-il d'un instrument "basique" ou d'un clavecin haut de gamme, pour l'époque? Toute son histoire reste à réécrire.

Certes il est commode de jouer sur des clavecins flambant neufs, en parfait état de marche : pas une note qui accroche, un toucher égal, un accord qui tient, un jeu facile... Un instrument ancien a des limites, il a des blessures, il a des fragilités. Il faut en prendre soin. Il a sa propre histoire. Et comme pour les êtres humains, c'est précisément cela qui le rend émouvant.

Je dis souvent que j'aime les limites de mes instruments, d'une part parce qu'ils rendent les instruments plus "humains" en les rapprochant de nos propres limites, mais aussi parce que les limites de nos instruments nous apprennent comment jouer : si telle ou telle chose n'est pas possible sur un clavecin du XVIIIe siècle, il y a toutes les chances qu'au XVIIIe siècle on ne jouait tout simplement pas comme ça.

Quand on a la chance de jouer sur des clavecins magnifiques, ce sont eux qui nous apprennent à jouer.

samedi 6 octobre 2007

Starbucks et le verbe moudre

A chaque fois que je vais acheter mon café en grains chez Starbucks (ne rigolez pas sur ma nord-américanité : c'est de loin le meilleur café en grains qu'on puisse trouver facilement - de toute façon les Français ne savent pas bien torréfier le café!), c'est la même histoire : l'employé me demande, avec son plus grand sourire: "Voulez-vous que je vous le moud?"

Bon, le verbe moudre est irrégulier, qu'on se le dise. C'est d'autant plus délicat à conjuguer que souvent Starbucks embauche des étudiants, dont la langue maternelle n'est pas toujours le français. Donc à l'usage de tous les employés Starbucks des pays francophones, voici le verbe moudre, dont l'usage quotidien dans ce genre de commerce justifierait l'affichage du tableau de conjugaison dans tous les vestiaires des employés !

Indicatif présent

je mouds
tu mouds
il moud
nous moulons
vous moulez
ils moulent

Subjonctif présent

que je moule
que tu moules
qu' il moule
que nous moulions
que vous mouliez
qu' ils moulent

Donc l'employé souriant, la prochaine fois, me demandera peut-être : "Voulez-vous que je vous le moule?" Héhé... Alors le café n'en sera que meilleur, surtout avec l'excellent muffin au caramel au beurre salé au sel de Guérande que propose Starbucks : comment se fait-il que ce soit une boîte américaine qui soit la seule enseigne à proposer cette spécialité bretonne??