Claude Nadeau, musique classique - clavecin, orgue... musique baroque

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche



lundi 21 mai 2007

La contemplation de la Beauté

J'ai assisté samedi soir en Bretagne à une vision d'une spectaculaire beauté. Juste à l'heure du crépuscule, alors que je humais les derniers effluves d'un massif de rosiers, je levai les yeux et aperçus dans un ciel indigo la conjonction Lune-Vénus que l'on peut encore voir ce soir.

Quelle splendeur, cette Lune qui semble tenir Vénus en son giron dans un ciel à peine obscurci (Vénus est le premier luminaire visible le soir), la portant presque comme une offrande au septentrion de ses deux bras graciles!

A peine rentrée, toute émue encore du ballet des astres qui m'est apparu en plein visage comme un sublime et inattendu cadeau (et pourtant quoi de plus prévisible que les conjonctions astrales), j'ai croisé un papillon entré dans la maison. Un tout petit papillon qui virevoltait, et qui passait les quelques instants de sa courte vie à chercher la lumière, comme nous tous. Pendant les quelques secondes où il s'est posé sous mon regard, ses ailes ont dessiné la forme d'une feuille à la découpe délicate, habile travestissement sylvestre pour les moments d'immobilité. Pendant quelques secondes, ce papillon fut la plus belle chose du monde. Puis il s'est envolé, toujours en dansant, vers d'autres lumières...

Je tentai de raconter mes émois à mon hôte qui n'avait rien vu, lui détaillant tour à tour et avec hâte le massif de roses, la Lune, Vénus, le quartier gracile et l'astre brillant, les senteurs du soir, la lumière et le papillon, et mon interlocuteur me regarda sans comprendre, pantois, médusé. Devant son incompréhension sincère, hésitant sans doute entre me juger futile ou un peu fêlée, je me surpris à lui dire qu'il *devait* comprendre, mais qu'il devait écouter, que c'était la chose la plus importante au monde. "Quoi? me rétorqua-t-il, presque impatient, les roses, la Lune et les papillons?" - "Non : la contemplation de la Beauté".

En fait, tout le travail du musicien est là : il se partage en deux volets. D'un côté le travail d'artisan, d'orfèvre, d'ouvrier qui modestement cent et cent fois sur le métier remet son ouvrage, et le polit sans relâche jusque dans les moindre ornements. Et de l'autre celui du contemplatif qui de repaît de la Beauté, qui l'adore jusqu'à l'absorption totale et finit par se fondre en elle. Tout l'Univers est là. Tout l'Amour est là. Et c'est de cet Amour, noyeau central igné, que procède le monde.

La Lune est passée de l'autre côté du miroir, le jour se lève, et c'est un lundi comme les autres: paperasse, coups de fil, devis, envoi de CV pour figurer dans un annuaire, courriels, envoi d'une photo en haute définition pour le programme d'un festival où je jouerai cet été, chèques, timbres, La Poste, beaucoup d'administration et peu de musique. C'est un métier comme un autre, finalement. Le problème c'est qu'il faut en vivre... et que les contraintes de la vie ne laissent que peu de place à l'extase. Qu'importe : demain soir, Saturne la taciturne viendra se joindre à l'astre de beauté et le pas de deux se fera tercet ! O joie! O enchantement!

jeudi 17 mai 2007

Est-ce que Paris est une femme ? (et une pi�tonne)

De retour d'une balade le long de la Coul�e verte, je voulais �crire "Paris est plaisant � v�lo lorsque les beaux jours arrivent" et je me heurte � un probl�me de conjugaison : est-ce que Paris s'accorde au f�minin ("Paris est plaisante") ou au masculin?

Spontan�ment, on a envie de r�pondre, tout empreint de gr�ce printani�re, avec ce sourire qui en dit long en sous-entendus: "Paris est une femme"... et donc Paris est plaisante. Mais alors, poursuit-on avec le sourire en coin, est-ce que Paris est une femme qui aime les femmes? Remarquez, c'�tait la semaine derni�re la journ�e de lutte contre l'homophobie...

Y a-t-il une r�gle pour l'accord des noms de villes? Qui peut me renseigner � ce sujet? (amis blogueurs, � vos commentaires!)

J'en profite, parlant de Paris et de v�los, pour relever une �normit� qui ne semble agacer personne :

dans tout Paris, et de plus en plus, on voit de grands panneaux qui mentionnent "voie pi�tonne". Et �a ne choque personne de voir la premi�re ville francophone du monde (la deuxi�me est Montr�al!) afficher � pleins panneaux des fautes de fran�ais?

Hein, quoi, comment? Elle exag�re encore la claveciniste. - En fait... un pi�ton, une pi�tonne, sont des personnes qui circulent � pied (jusque l� je ne vous apprends rien!). Mais pi�tonne est un nom commun; l'adjectif est "pi�tonnier" (ou pi�tonni�re).

Donc une rue pi�tonni�re, une voie pi�tonni�re, pour les pi�tons et les pi�tonnes qui y pi�tinent. (r�p�ter 5 fois de plus en plus rapidement!) :-)

En fait, je ne suis pas contre les �volutions de notre ch�re langue fran�aise, son adaptation � la vie moderne et tout ce que vous voudrez, mais � une condition : que cette �volution n'aille pas dans le sens de l'appauvrissement. Or avec "voie pi�tonne", c'est le cas : on prend deux mots, un substantif et un adjectif, et on nivelle par le bas en se servant du nom commun pour tout d�signer. Eh bien non, je ne suis pas d'accord.

Prochaines aventures musicales en juin:

le 7 juin, musique renaissance au Ch�teau de Chambord
le 9 juin, mariage m�di�val dans le Centre

Bien s�r vous en entendrez parler sur ce blog!

dimanche 6 mai 2007

Trois mots

J'aime les mots. On dit parfois de moi que j'ai le verbe haut, mais tout bas il est des mots que j'aime tout particuli�rement, et dont on peut dire, comme on peut dire du clavecin et du breton, qu'il faut qu'on en prenne soin si on veut les entendre encore.

Mon premier mot est un familier de ce blog, et sa pr�sence discr�te autant que constante sur la page d'accueil (si si, en bas, dans la colonne de droite, avant "me contacter" et les flux RSS) n'a encore intrigu� personne : �pacte. L'�pacte, c'est l'�ge de la Lune, sur 28 jours: gibbeuse croissante, pleine Lune... Pour une adoratrice de la Lune comme moi, voil� un mot qui fait partie de mon quotidien! N'ai-je pas telle la Lune choisi pour devise "Terrae reddo quod a caelo accepi"? - hein, de quoi? les illatinistes n'ont qu'� chercher dans Google! ;-)

Mon deuxi�me mot est empan, un mot qui a l'air tout simple et ne rapporte pas beaucoup de points au Scrabble, mais vous en avez tous un. C'est la largeur d'une main ouverte, du bout du pouce jusqu'au bout du petit doigt. Une unit� de mesure bien pratique (c'est ce qui s'appelle avoir un m�tre sous la main), tr�s utilis�e dans le b�timent (et Wikip�dia nous apprend que l'empan a quelque chose � voir avec les lignes de construction des cath�drales... personne n'en sera �tonn�). Dans notre 21e si�cle de mesure et de d�mesure, j'aime bien utiliser ce mot dans un contexte espi�gle en lan�ant qu'il para�t que la taille du sexe d'un homme est directement proportionnelle � l'empan...

Le troisi�me mot que je voudrais continuer d'entendre est marcescence : c'est le fait, pour une fleur ou une feuille (ou une femme?), de faner. "Mot d�licieux et opaque" selon Pierre Assouline (qui y consacre une chronique sur son blog), il aurait m�me un sens plus pr�cis : fl�trir sur la tige. En cherchant dans Google (on y revient toujours!) je constate que ce mot a �t� utilis� par Christiane Taubira dans l'un de ses discours : n'y a-t-il donc plus que les Guyanaises et les Qu�b�coises pour aimer d'amour les mots de la langue de chez-nous? En ce jour �lectoral, moi je voudrais bien que les autres candidat-e-s et diff�rents �diles manient la langue fran�aise avec autant de gourmandise!

Merci � Olivier Nouveau pour l'utilisation de sa tr�s jolie photo ci-dessus, vous pouvez �galement visiter son Photoblog.