"Une journée avec Claude Nadeau" interview dans "Peuple breton - Pobl Vreizh", mars 2008
Par Claude Nadeau, mercredi 26 mars 2008 à 07:04 :: Vannes - Gwened :: #145 :: rss
Claude Nadeau : Une journée avec Claude Nadeau commence comme un défi, le défi de transmettre au public l’amour que je porte pour la musique classique... Musicienne, c’est ce que j’ai toujours voulu faire ! Si j’ai réussi, c’est grâce à mon caractère de battante – War-raok ! [en avant!] – sans lequel je ne serais jamais arrivée à mon niveau de pratique instrumentale. Je n’ai jamais baissé les bras. Un défi, parce que ce n’est pas simple aujourd’hui de vivre de sa passion... Qui plus est, avec la concurrence des télé-réalités ! Je fais de la musique classique, et je veux continuer à en faire et à en vivre... Parce que la musique classique, c’est tout simplement beau ! De nos jours, malheureusement, la musique est sans cesse confrontée à une logique de rentabilité.
Le PB : Qui est ton public ?
Claude Nadeau : Ma spécialité étant
la musique classique, il m’est arrivé de
jouer à l’opéra de Paris, au Bataclan et
sur des scènes en Bretagne. Je joue
aussi lors de réceptions... Dans des
festoù-noz et festoù-deiz également.
Et à la Mission bretonne à Paris, evel just [bien sûr]
!
Le PB : L’orgue, une histoire de famille
?
Claude Nadeau : Oui, l’orgue est un
instrument que nous nous transmettons
comme un flambeau depuis
quelques générations dans la famille...
Petite, je jouais déjà de l’orgue à la chapelle
de Notre-Dame-de-Bon-Secours,
de Montréal. L’orgue est vraiment
un instrument que j’aime.
Lorsque j’entre dans une église, une
cathédrale et même une basilique, je
ne peux pas m’en empêcher, il faut que
j’aille à la rencontre de l’organiste... Il
faut que j’entre en contact avec l’instrument.
J’ai déjà joué de l’orgue en Bretagne,
notamment celui de la basilique de
Quintin, il est classé monument historique.
Je me rappelle aussi avoir vu celui
de Notre-Dame-de-Bon-Secours à
Guingamp…
Le PB : Peux-tu nous dire un mot sur
tes origines ?
Claude Nadeau : Je viens de « Menez-
Real » ! C’est ce que je m’amuse à
dire lorsque je parle avec des bretonnants
; c’est assez amusant, ils cherchent
où peut bien se trouver ar barrez
Menez-Real, mais en vain !
Je suis effectivement québécoise et
je viens d’obtenir, il y a seulement
quelques jours, la nationalité française
après avoir reçu bien avant la citoyenneté
bretonne pour « service rendu à la
patrie »... Oui, je viens du Québec, j’y
suis née il y a maintenant 32 ans. C’est
de ça qu’est née ma conscience militante
: mon père militait au Parti québécois...
Il m’a transmis le goût de m’impliquer
et c’est sans doute la source de
mes nombreux engagements d’aujourd’hui.
Le PB : Claude, tu parles breton...
Comment en es-tu arrivée à la Bretagne
et de l’art à la Bretagne ?
Claude Nadeau : J’ai connu la Bretagne
après mon arrivée en France en
1998. J’avais alors 22 ans et je débarquais
en terre inconnue pour étudier
mon autre instrument : le clavecin. La
Bretagne, je l’ai connue par hasard et à
Paris... Je souhaitais tout simplement
rencontrer du monde sur place et je me
suis investie dans des associations.
J’ai distribué des repas aux Restos du
Coeur. Et la culture bretonne, je suis
tombée dedans comme Obélix est
tombé dans sa marmite. Je suis entrée
en contact avec la Mission bretonne et
je m’y suis impliquée par la suite...
Le PB : Et ensuite, Diwan Paris !
Claude Nadeau : Oui, l’histoire débute
en 2004, avec notamment Jean-
Yves Le Bras... Il avait déjà l’expérience
d’une école Diwan à Guingamp. Il
occupe actuellement le poste de trésorier
de l’école... Aujourd’hui, l’école
tient le coup, mais cela ne veut pas dire
que tout est acquis et que tout va
pour le mieux dans le meilleur des
mondes. Il y a des locaux à payer et
l’école a vocation, comme toute école
victime de son succès, à s’agrandir. La
création de postes supplémentaires, le
renouvellement du matériel pédagogique
nécessitent un budget, des finances
saines et surtout des reins solides...
Heureusement, nous les avons !
Le combat est loin d’être terminé :
l’école a encore besoin de dons, de
soutiens politiques et moraux, y compris
en Bretagne. Quand l’école a été
fondée en 2004, nous avons mobilisé
une association de soutien solide et
suscité l’attention des médias : les
journaux télévisés notamment... On est
même passés chez PPDA !
Le PB : On peut imaginer des coups
durs de temps en temps ?
Claude Nadeau : Tout le monde se
souviendra de cette rentrée où, à
quelques jours seulement de la reprise
de la classe, l’école a enfin trouvé des
locaux après avoir remué ciel et terre
pour ses petits protégés bretonnants...
Je n’y croyais pas ! L’école Diwan de
Paris est un symbole pour la langue
bretonne, pour la Bretagne et pour le
million de Bretons qui vivent à Paris.
Le PB : Et à quand un disque de
Claude Nadeau ?
Claude Nadeau : Si je dois faire un
disque, ce sera une grande oeuvre de
musique classique qui sera l’aboutissement
d’une recherche et d’une pratique
musicale au travers de la musique
médiévale, baroque, de la musique
traditionnelle bretonne... Je
pourrais faire des autoproductions,
mais je souhaite vraiment faire le
meilleur album, avec le meilleur directeur
artistique et la meilleure maison de
disques ! Tu sais pourquoi ? Parce
qu’en musique classique c’est comme
avec la langue bretonne, on se doit
d’être la meilleure, ce que l’on fait se
doit d’être parfait ! On doit être irréprochable
pour que la musique soit belle
et parce que jouer de la musique classique,
c’est comme parler breton, c’est
beau ! On doit à tout prix donner une
image positive...
Après, il faut avoir du temps. Pour l’instant, je suis mon propre agent et il me faudrait plus que 24 heures dans la journée. Il me faudrait également un label. Or, à ce jour, aucun label breton ne s’est intéressé à mon projet de musique classique de compositeurs baroques bretons. Personne…
Le PB : Ton engagement militant est
uniquement pour la musique classique
et la culture bretonne ?
Claude Nadeau : Non, je suis aussi
féministe... De nos jours encore, la
femme et l’homme ne sont pas sur un
pied d’égalité... Par exemple la France
est le seul pays qui parle encore de
droits de l’homme, on dit ailleurs : Los
derechos humanos, Human Rights,
etc. Nous devrions parler de droits de
la personne, et c’est ce qui est dit dans
d’autre pays francophones. Alors,
comme on m’a donné la nationalité
française, je veux maintenant m’impliquer
pour faire bouger les choses à ce
sujet notamment.
Le PB : Impossible de réaliser cette
interview sans parler de ta promotion
en tant qu’artiste en résidence à
Vannes ?
Claude Nadeau : Je viens d’être
nommée, pour deux ans, artiste en résidence
dans la ville de Vannes. Une pratique
peu courante, d’habitude ce sont
des troupes qui vont en résidence ; il
faut dire que je suis une troupe à moi
toute seule ! Je m’y installe peu à peu,
doucement mais sûrement... Je prends
le temps de trouver mes points de repère
dans la ville, auprès des diverses associations
culturelles. J’espère pouvoir
transmettre, notamment aux jeunes
bretonnants des écoles bilingues, et
m’impliquer dans le milieu artistique
vannetais... C’est une mission de trois
ans que j’entends remplir, en toute liberté,
en collaboration avec le maximum
de partenaires locaux... Ils sont
même en train de faire construire un
clavecin, je vais bientôt avoir tous les
outils pour bien travailler !
L’entrevue se termine, nos chemins se séparent, Claude s’en va sur Ploemeur pour l’enregistrement de la remise des Prizioù 2009. « Les 7 d’or de la langue bretonne », ironise-t-elle... Qui sait ? L’année prochaine, Claude Nadeau sera peut-être la première Québécoise à être nommée pour les Prizioù 2009 ?
par Gwendal Rioual
Commentaires
1. Le mercredi 26 mars 2008 à 23:13, par oncle Louis C.
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