Une gamme non temp�r�e, c'est une gamme o� les espaces entre les notes ne sont pas toujours les m�mes: les intervalles ne correspondent pas tous au m�me �cart. Par exemple, la quite do-sol peut �tre plus grande que la quinte r�-la.
Un temp�rament, c'est un syst�me qui organise ces intervalles selon une certaine logique.
Les lois de l'acoustique sont tr�s simples. Prenez une note, un la par exemple, dont la fr�quence est de 440 Hertz. Multipliez cette fr�quence par 2, on obtient une note qui vibre � 880 Hertz, et qui est toujours un "la", mais une octave juste au-dessus de la premi�re note.
Tout est une question de proportion. Ainsi, entre les notes d'un intervalle comme la quinte (do-sol par exemple) s'�tablira un rapport de 2:3. La nature est parfaite, et en observant ces proportions entre les fr�quences et les hauteurs de son, on obtient des intervalles acoustiquement purs, brillants, riches en r�sonnances et en harmoniques.
On pourrait imaginer, partant de ce principe, vouloir accorder des instruments de musique uniquement avec des intervalles purs; Pythagore, en Gr�ce antique, a travaill� sur cette hypoth�se. Mais apr�s avoir fait s'encha�ner tous les intervalles par cercle de quintes afin d'obtenir la hauteur exacte de chaque son, de do � sol, puis de sol � r�, de r� � la, de la � mi, etc, lorsqu'on arrive au 12e et dernier intervalle, surprise! on ne retombe pas sur la note de d�part mais l�g�rement � c�t�. Cette "marge d'erreur" est de la valeur d'un comma.
Trois hypoth�ses s'offrent alors � nous:
C'est donc la r�partition in�gale de ce comma, selon divers syst�mes d'accord, que l'on appelle "musique non temp�r�e".
Qu'est-ce qui doit motiver, pour un musicien moderne s'int�ressant � la musique historique, l'usage de tel ou tel temp�rament?
Le but de l'interpr�tation historiquement �clair�e de la musique, qu'elle soit baroque ou plus ancienne, voire plus r�cente, est de vouloir red�couvrir une oeuvre "� l'�tat naissant", en mettant en place un maximum de conditions afin d'entendre cette musique telle qu'elle a pu �tre jou�e � l'�poque o� elle a �t� compos�e. On se rend compte, parfois, que ce que l'on croit �tre des "am�liorations techniques" changent radicalement la fa�on de jouer la musique; par exemple, on obtient un son tout � fait diff�rent lorsqu'on actionne manuellement la soufflerie d'un grand orgue, sans avoir recours � une soufflerie �lectrique. En ce qui me concerne, j'aime les limites de mes instruments, car elles m'apprennent une foultitude d'�l�ments stylistiques qui d�coulent des possibilit�s (ou des impossibilit�s techniques) des instruments d'�poque.
De m�me les temp�raments: en rendant certains intervalles plus purs et d'autres presque dissonants, ils contribuent � donner � la musique une couleur toute particuli�re. Par exemple, une s�quence (r�p�tition d'un m�me motif musical � diff�rentes hauteurs) sonne � chaque fois d'une mani�re diff�rente selon sa position harmonique dans la gamme. Donc, lorsqu'un compositeur choisit d'�crire dans une certaine tonalit�, ou de mettre telle note � un endroit pr�cis, c'est parfois qu'il recherche justement un effet de dissonance, et une couleur particuli�re qui dispara�t lorsqu'on joue la m�me musique sur des instruments parfaitement temp�r�s.
Pour choisir un temp�rament dans l'interpr�tation de la musique ancienne, on doit prendre en compte l'ensemble de ces facteurs: l'�poque de la musique (pour sch�matiser: plus c'est ancien, moins c'est �gal), la r�gion g�ographique, les influences du compositeur, les tonalit�s... Mais il ne faut pas oublier que le douzaine de temp�raments g�n�ralement retenus dans les livres de musique ne constituent qu'un tout petit �chantillon de ce qui a pu se faire autrefois. Il ne suffit donc pas d'associer telle tonalit� � tel temp�rament, ou tel compositeur � tel accord; au-del� de cette simplification, un bon musicien devrait id�alement assimiler la notion m�me de temp�rament, et �tre capable de se mettre dans la peau d'un musicien du XVIIIe s., par exemple, qui a lu diff�rents trait�s et qui a sa propre id�e sur le sujet.
Pour en savoir plus, je vous recommande vivement la lecture de l'excellent ouvrage de Pierre-Yves Asselin, "Musique et temp�raments". Vous trouverez cet ouvrage, �ventuellement accompagn� d'un cd avec des exemples, entres autres � la Maison de la Musique Ancienne de Paris (r�clamez-le de ma part! ;-).
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